Cours de danse Danser la Vie - Toulouse

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● Situation actuelle de la danse par couple

Situation actuelle de la danse par couple
par Gérard LOUAS (interview de Raphaël L'ARCHANGE)
Danses Tempo n° 7 - Mai-Juin 1991 (07/03/1991)



Réflexion sur la situation actuelle en France
du Rock Acrobatique et de la danse par couple


Propos de Gérard LOUAS recueillis par Raphaël L'ARCHANGE le 7 Mars 1991.
Gérard Louas, délégué Relations Publiques de la FFRA, a souhaité exprimer le résultat de ses réflexions sur la situation actuelle en France de la danse par couple, et plus particulièrement du Rock Acrobatique. Nous l'avons rencontré pour qu'il expose aux lecteurs de DANSES TEMPO sa vision de l'avenir de ces disciplines en France. Car si la situation est aujourd'hui confuse, Gérard LOUAS propose une nouvelle approche pour clarifier la situation et dynamiser le monde de la danse.

DANSES TEMPO
: Nous sommes le 7 mars 1991 et la situation de la danse par couple apparaît absolument inextricable et incompréhensible pour la majorité des passionnés de danse, même pour les mieux informés. Des tendances se dessinent, aussitôt amendées, aussitôt rejetées, aussitôt remplacées par d'autres. En bref, rien ne semble plus aller dans l'hexagone. Et à l'étranger aussi, des querelles entre fédérations «amateurs» et fédérations «professionnels» sont venues ajouter à la confusion.

Gérard LOUAS : D'abord, rappelons les faits. Car la situation actuelle résulte de l'accumulation explosive pendant des années de situations anormales. Pour mieux cerner mon propos, je me limiterai à la France, la situation au plan international ne relevant pas des mêmes causes et des mêmes remèdes. Jusqu'en 1990,l'Etat, représenté par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, ne s'est pratiquement pas préoccupé des problèmes de compétition en danse sportive, malgré quelques tentatives qui ont avorté. Donc, depuis plusieurs décennies, ce sont les écoles de danse, et plus particulièrement les professionnels qui les animaient, qui ont mis en place et animé une structure de compétition au niveau national. Nul ne peut contester que tout ce qui a pu être fait jusqu'à présent est le fruit de leur travail, et c'est tout à l'honneur de ces professionnels, quel que soient les erreurs passagères qu'ils ont pu commettre. Les professionnels de la danse ont pendant des années rempli une fonction à la place de l'Etat, défaillant sur ce point. Historiquement, les structures en Danse Sportive se sont largement développées dans la région parisienne, et en Rock Acrobatique, plus particulièrement dans la région lyonnaise. Cette initiative heureuse d'animation de structures de compétition amateur a malheureusement subi quelques dérives, d'ailleurs parfaitement explicables. Ainsi, ces structures fédératives chargées de l'organisation des compétitions ont adopté vite une attitude de "clan" assez fermé. Cela s'est traduit, pour les compétiteurs, par l'obligation d'appartenir à une Ecole de Danse, c'est à dire une structure à vocation commerciale. Les associations 1901 non affiliées à une école étaient écartées. Deux conséquences à cette attitude. D'abord un frein probable à la croissance de la discipline. Puis une vision totalement absente de la danse en tant que sport de masse. Au fil des ans donc, s'est installée en France une véritable situation de «protectionnisme». Mais ne jetons pas pour autant la pierre aux professionnels, dont je fais partie, et qui se débattent dans des difficultés bien réelles. Pas de diplôme d'Etat, situation professionnel anarchique (la profession n'est pas reconnue en tant que telle par l'Etat). Les professionnels, qui acquittent force taxes et impôts, ont voulu protéger leurs investissements contre des associations "sans buts lucratifs" qui pouvaient dériver vers des attitudes para-commerciales, sans toutefois payer autant de taxes, et donc qui pouvaient exercer une véritable concurrence déloyale aux professionnels établis. Pour mieux suppléer l'Etat, et protéger la profession, les professeurs ont créé un groupement professionnel, l'AMDF (Académie des Maîtres de Danse de France). L'AMDF a créé par exemple un diplôme, à la place de l'Etat qui se s'en souciait guère (diplôme donc nécessairement non reconnu par l'Etat). Mais au sein même de l'AMDF se sont produits des dérives et des bizarreries qui ont freiné le développement national des disciplines de danse par couple. En fait, l'AMDF a tenté de se positionner dans une attitude "élitiste", excluant "arbitrairement" certains professionnels, imposant une hiérarchie entre des professionnels selon des critères opposés à une quelconque démocratie. Ainsi, entre autre étrangeté, les professionnels de Rock Acrobatique comme moi n'ont pas de droit de vote à l'AMDF ! Ce qui bien sûr m'est insupportable quand je constate que rien ne semble me séparer d'un professionnel de la danse sportive (voir notre encadré PORTRAIT sur les activités professionnelles de Gérard LOUAS. NDLR). Savez vous que je donne par exemple des cours de rock acrobatique à des Maîtres de Danse de l'AMDF ? Et ce groupement ne me reconnaît même pas le grade de moniteur !

DANSES TEMPO : Tu remets donc en cause une lente dérive historique d'initiatives dont l'esprit était, initialement du moins, très positif.

Gérard LOUAS : Je crois que les professionnels, en suppléant à l'Etat défaillant, en sont arrivés à se défendre d'une mauvaise manière. Il ne faut pas que la profession se défende en bloquant les amateurs. Il ne faut pas oublier que 80% des élèves des écoles de danse ne souhaitent pas faire de la compétition. Même les petites écoles n'ont pas à craindre les amateurs et la concurrence déloyale. Au contraire, cherchons le consensus, la clarté, la définition de limites d'influence volontairement admises entre amateurs et professionnels. J'irai même plus loin : il me semble inéluctable et sain que les écoles d'une certaine taille évoluent vers un statut de véritable entreprise. Certes, il existe des associations 1901 qui donnent des cours et en tirent profit, sans s'acquitter des taxes normalement liées aux activités commerciales. Mais ces associations sont hors la loi, et leur situation n'est pas tenable à terme. Il devient anachronique de s'enfermer dans une défense farouche contre ces associations, au risque d'abus totalitaristes bien plus dangereux.

DANSES TEMPO : Et la situation du Rock Acrobatique plus particulièrement. Comment vois-tu son évolution en France?

Gérard LOUAS : Plutôt meilleure que la danse sportive, ne serait-ce que parce que la structure internationale WRRC est solide. Mais là encore un historique de la situation permet d'éclairer certains anachronismes des structures françaises. Historiquement donc, certaines affinités entre professionnels de Rock Acrobatique ont conduit à créer trois fédérations en France : la FFDJ, l'AFDA dissidente de la première, et la FFDS En 1986, sous l'impulsion musclée de la WRRC, c'est à dire de Monsieur STEUER son président qui ne supportait plus les querelles entre les fédérations françaises, se crée la FIRA. Monsieur STEUER était alors prêt à interdire la France de compétition internationale si cette super-fédération française n'était pas créée. C'est dire que les professionnels français se sont regroupés à contre-coeur ! Et aujourd'hui, six ans après la création de la FFRA, on retrouve encore les trois sous-fédérations qui organisent pratiquement toutes les compétitions hors celles des catégories International et Juniors ! Autrement dit, six ans après, les professionnels du Rock Acrobatique ont toujours le plus grand mal à réellement travailler ensemble. Et cela explique que notre Président de la FFRA, Monsieur SIMEONE, ait toutes les peines du monde à diriger cette fédération, car il travaille avec une équipe qu'il n'a nullement choisie et qui répercute jusqu'au Praesidium les querelles de chapelle de toujours. La dissolution des sous-fédérations est rendue difficile par les privilèges attachés à l'exercice de la direction de ces sous-fédérations, comme une certaine autonomie de budget et de décision, et autres avantages... Cette situation devient au fil des ans totalement anachronique et influence négativement la discipline et la profession, interdisant les réformes urgentes nécessaires.

DANSES TEMPO : Selon toi, quelles sont donc ces réformes nécessaires? Qu'est ce qui doit changer dans ce monde de la Danse Sportive et du Rock Acrobatique ?

Gérard LOUAS : Je n'ai pas de remèdes miracle mais un certain nombre de propositions qui devraient, je crois, inverser la vapeur. Ces solutions ne me sont d'ailleurs pas apparues tout de suite, et je ne les formule aujourd'hui qu'après un temps de réflexion conséquent. Ce qui veut dire aussi qu'elles sont susceptibles d'évoluer encore, notamment par confrontation avec les idées d'autres collègues qui envisagent aussi une démarche d'évolution. En dehors de l'urgence de la situation actuelle extraordinairement confuse, il y a la place pour une évolution des mentalités, et je suis le premier à reconnaître que le regard que je porte sur la discipline et la profession s'est modifié au cours du temps. Pourquoi en serait-il autrement pour mes collègues ?

DANSES TEMPO : Et notre journal sera un lieu de débat (courtois!) d'idées sur la question, chaque expert pouvant apporter sa pierre à l'édifice qui doit maintenant être construit.

Gérard LOUAS : Pour donner mon sentiment en quelques mots, je crois que les problèmes des amateurs et des professionnels doivent être clairement découplés. Les professionnels encore aujourd'hui mélangent les deux et imposent trop autoritairement leurs vues dans ces deux domaines. C'est une situation malsaine et, à terme, intenable. Il faut ouvrir les yeux : les données aujourd'hui sont différentes. L'Etat s'intéresse à la discipline et il serait ridicule de ne pas en tenir compte ou de rejeter en bloc ses souhaits. Le problème, c'est que l'Etat ne s'intéresse encore qu'aux danseurs et aux entraîneurs, pas aux professeurs de danse et dirigeants d'Ecole de Danse. Mais en découplant ces problèmes, on peut espérer régler correctement les problèmes des danseurs avec l'aide de l'Etat, et sensibiliser l'Etat (mais pas forcément le même Ministère) sur les problèmes des professeurs. Pour livrer le fond de ma pensée, je crois que c'est le Ministère de la Culture et le Ministère du Commerce et de l'Artisanat qui devraient, conjointement avec le Ministère de la Jeunesse et des Sports, envisager les problèmes de la profession de professeur de danse. Car, avec près de 600 écoles en France, la profession est un acteur significatif de la vie économique de ce pays, et a un rôle à jouer dans sa vie culturelle. Et en ce qui concerne les danseurs, on doit pouvoir trouver un moyen terme entre les exigences des professionnels (avoir la garantie de faire partie des structures dirigeantes), et celles du Ministère de la Jeunesse et des Sports (direction des fédérations par des amateurs).

DANSES TEMPO : Plus concrètement, que proposes tu pour l’immédiat et à moyen terme ?

Gérard LOUAS : Je n'ai pas de "plan" mais une série d'axes de travail. Je vais les énumérer dans une liste à la PREVERT, sans ordre de priorité ou d'importance, tous étant à mes yeux utiles et urgents.
Tout d'abord, il est impératif de faire taire les querelles de personnes. Place aux mouvements qui rassemblent, qui unissent. Il faudrait ainsi revoir le fonctionnement de l'AMDF pour qu'elle devienne réellement représentative des professionnels, de tous les professionnels. Il est souhaitable, comme le pense le Ministère des Sports, d' "éclaircir" le fonctionnement des structures, de les simplifier pour les rendre plus transparentes et donc plus crédibles. Il faut impérativement éliminer les trois sous-fédérations de Rock qui n'ont plus de raison d'être. La FFRA en Rock, au même titre que la FFDAS et la FFDS en Danse Sportive, doivent devenir Comités Nationaux, reconnus respectivement par la WRRC et l'IDSF (ex ICAD), regroupées en une vaste (mais sans complexité inutile) Fédération reconnue par l'Etat, intégrant toutes les fédérations dites "dissidentes", c'est à dire ... une VRAIE fédération qui rassemble et non divise. Il faudrait inciter l'Etat, par une action structurée de l'ensemble des professionnels, à reconnaître notre profession et à la défendre contre la concurrence déloyale type association 1901 para-commerciale. Il faudrait laisser la place à la danse en tant que phénomène de masse, pas uniquement en tant que sport d'élite. A mon avis, les groupements professionnels pourraient très utilement être associés à la gestion de la danse en tant que phénomène de masse. Abolir l'équation "un club = une école" que l'on pourrait remplacer par "un club = un entraîneur". Accepter dans ces conditions, et selon des règles strictes, le sport de masse (type MJC,...). C'est en créant, avec l'aide de l'Etat, une profession forte que l'on pourra résoudre harmonieusement et sereinement les problèmes des amateurs.

DANSES TEMPO : Comment peuvent réagir, à ton avis, l'ensemble des acteurs du monde de la danse à ces propositions?

Gérard LOUAS : Mes propositions vont dans le sens de la clarification et de la préservation des intérêts bien compris de chacun. Mais cet objectif qui vise le long terme nécessite de tous certains efforts pour remettre en cause les vieux réflexes de conservatisme frileux. Les professionnels d'abord doivent pérenniser et étoffer leurs structures représentatives : c'est réellement dans leur intérêt et je suis sûr que bon nombre d'entre eux comprendront le sens de mes propositions. Les amateurs doivent acquérir plus d'autonomie et apprendre à confier les aspects purement commerciaux à ceux capables (selon la loi!) de les traiter, c'est à dire les professionnels. Là encore, les amateurs ont tout intérêt à opter pour cette stratégie qui leur garantit la liberté pour vivre leur passion : en rock, où amateurs et professionnels traditionnellement s'entendent bien, ces propositions devraient rencontrer un écho favorable. Les exemples à l'étranger sont d'ailleurs là pour montrer que ces propositions sont empreintes de réalisme. Enfin l'Etat, qui héritera d'une situation clarifiée, qui pourra imposer les taxes "justes" à des activités commerciales réelles non dissimulées, obtiendra la contrepartie de ses efforts de réglementation intelligente d'une activité aux multiples facettes. Certains "mandarins" pourraient peut-être perdre une partie de leur pouvoir actuel, mais le prestige de ces dirigeants est aujourd'hui suffisant pour que le "chiffre d'affaires" de leur école n'en souffre pas, et qu'ils n'aient donc pas vraiment intérêt à bloquer une inévitable évolution.

DANSES TEMPO : Concrètement, quelles actions envisages-tu ?

Gérard LOUAS : Les choses évoluent à une telle vitesse que quand ces lignes paraîtront, la situation peut avoir significativement évolué. Je ne propose donc pas ici des actions précises, car la liste des urgences varie quotidiennement, mais plutôt une philosophie, une approche globalement différente, un esprit neuf. Les détails seront réglés avec une relative facilitée si les mentalités changent pour construire un avenir meilleur pour tous, sans exclusion, où les intérêts de tous soient démocratiquement protégés. C'est là le sens profond de mon message.





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21/08/2013

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