● Danse Sportive et Danse de Société - L'exigence d'un même respect
Danse Sportive et Danse de Société - L'exigence d'un même respect
par André MASSARO
Le Bulletin Fédéral FFD n° 21 (01/03/1997)
Lorsque, dans le cadre de l'enseignement de la danse, on fait constamment alterner les entraînements de compétiteurs en danse sportive et les cours de danse de société accueillant les débutants désireux de "se débrouiller" dans les soirées, les bals ou les mariages, on s'interroge nécessairement sur le rapport entre ces deux pratiques. Leur différence est si évidente qu'on pourrait être tenté de voir là deux activités qui se trouvent juxtaposées dans une école mais qui seraient tout à fait étrangères l'une à l'autre, et d'inégale valeur, la discipline de compétition, avec ses exigences sportives et artistiques, dominant la simple pratique sociale de la danse de couple. Telle n'est pas la conviction que l'on retire d'années d'expérience de professeur et d'entraîneur de danse. Celles-ci font, au contraire, apparaître la transmission de la danse sous ses divers aspects comme un tout solidaire où le respect se révèle essentiel.
"Respect", le mot étonne peut-être et pourtant c'est ce sentiment qui n'a rien de sévère ou de compassé, que l'on retrouve, comme valeur fondatrice, sous les visages les plus variés, dans l'enseignement de la danse.
Respect… pour la danse, à explorer dans toute ses dimensions: sportives, artistiques, sociales, individuelles, et sous toutes ses formes: amateur, professionnel, loisir ou de compétition. Sans confondre l'apprentissage de l'élève débutant qui veut simplement aller au bal avec l'entraînement du compétiteur, c'est le même respect qui est à faire partager aux danseurs : celui que requiert toujours la danse quel que soit le niveau où on
Respect pour la profession, qui requiert de ceux qui veulent s'y consacrer de souscrire à une déontologie de compétence et de sérieux, en opposition à ceux qui, nuisant gravement à l'image du métier, exploitent la danse et les élèves pour "faire de l'argent" avec du vent…
Respect pour les élèves, c'est-à-dire pour la personne qui se trouve derrière l'apprenti danseur: respect fait d'attention discrète et généreuse aux spécificités de chacun et en particulier à ses fragilités. Une telle attitude, qui permet les plaisanteries ou même les rudoiements toniques, exclut radicalement en revanche autant la "pédagogie par l'humiliation" que l'enseignement mécanique. Au-delà du sens du contact avec autrui que cette approche suppose, elle s'appuie sur une véritable foi dans les bienfaits - quasi-thérapeutiques dans certains cas - de
Respect de l'autre, dont la danse par couple est une véritable "école". Il n'est certes pas question de dire que toute personne qui danse à peu près a incorporé cette vertu essentielle. En revanche, il est certain que bien danser à deux suppose de cultiver des qualités et, par conséquent, de lutter contre des défauts dont on n'avait pas nécessairement pris conscience avec la clarté que leur donne les effets "mécaniques" qu'ils entraînent dans
Respect des autres que doit comporter la danse "de société": évolution collective des couples, elle suppose d'abord d'apprendre à inscrire avec aisance son trajet parmi ceux des autres sans les gêner, ni évidemment les heurter, voire les caramboler. Elle requiert aussi le tact, pour ceux qui pratiquent la danse sportive, de ne pas confondre une piste de bal avec une salle de spectacle ou de tournoi. Il ne faut pas "prendre en otages" comme public forcé de leurs exhibitions les couples avec lesquels ils devraient tout simplement danser dans un moment de plaisir partagé. Fabriquer des "automates" performants de danse sportive, des "bêtes de compétition", incapables de danser dans un bal, ne devrait jamais être l'ambition d'une école de danse, et la "frime" doit toujours en être proscrite. Ce que, au contraire, l'enseignement doit faire entrevoir, c'est ce qu'il y a à la fois de commun et de différent entre danse de bal et danse sportive de spectacle-compétition, afin que la seconde, tendue vers la beauté du geste achevé, se pratique, sans le moindre mépris condescendant, dans le respect de la première dont elle est issue et solidaire, quoique différente.
De même qu'un enseignement de base de danse de société serait "amputé" s'il n'était pas dynamisé par l'image accomplie, séductrice et motivante, que lui renvoie d'elle-même le miroir "idéalisant" de la danse sportive, de même une formation de danse sportive perdrait quelque chose d'essentiel, et cela même au plan de sa réussite en termes de spectacles et de compétition, à se couper de ses racines de "danse de bal": la dimension simplement humaine de plaisir partagé à jouer, en couple ou en groupe, de l'alliance magique de la musique et du mouvement qui fonde la danse la plus simple.