Cours de danse Danser la Vie - Toulouse

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● Pour en finir avec le clivage Cubaine / Portoricaine

Pour en finir avec le clivage Cubaine / Portoricaine
par Jack El Oso
www.salsafrance.com (03-02-2012)


"Tu danses cubain ou portoricain ? Sur le '1' ou sur le '2' ?"

Danseurs et danseuses de Salsa, si vous n'avez jamais entendu cette phrase, c'est que vous ne sortez pas souvent danser à Paris ces derniers temps. Et pour ceux qui débutent et apprennent à danser, c'est encore pire: à peine avez-vous appris les rudiments que l'on insiste pour vous classer dans l'une de ces deux catégories. Salsero, choisis ton camp !

Cubanisants et Portochosiens ont ainsi leurs soirées de prédilection, dans des lieux différents, voire dans les mêmes lieux, mais pas le même jour de la semaine. Lorsque vous arrivez dans une boite de Salsa, les habitués guettent vos premiers pas de danse, vos premières passes, pour vous classer irrévocablement et irrémédiablement dans un camp ou dans l'autre. Vous dansez cubain ? N'allez pas inviter une portochosienne. Râteau garanti. Vous dansez portoricain ? N'allez pas dans une soirée à "tendance" cubaine, vous allez rester assis toute la soirée.

Moi, je dis "STOP!". Certes, j'ai moi-même des préférences: j'aime la "portoricaine", j'aime danser sur le "2", j'aime faire des shines (jeux de pieds, pour les non-initiés). Cela dit, je ne peux pas concevoir que cela puisse m'empêcher de danser avec qui que ce soit, quel que soit son style, ou l'école dans laquelle elle a appris les bases ! Je ne compte plus les regards ébahis, et les copains qui me disent: "Wouah ! Tu as dansé avec Une-telle. Pourtant elle danse cubain...." ET ALORS ? Non à l'apartheid de la Salsa ! Je pense qu'il est temps de remettre les pendules à l'heure.

La distinction entre la "cubaine" et la "portoricaine" part d'une réalité: il y a différentes façon de danser la Salsa. En effet, la musique se transmet par les ondes radio, les disques, et les K7, et voyage donc facilement. Par contre, la façon de danser sur cette même musique a, dans la plupart des cas, été largement l'invention des diverses populations où cette musique a été / est toujours populaire. Ce n'est que très récemment que des professeurs ont commencé à voyager et à enseigner leur façon de danser dans d'autres pays. La danse de la Salsa s'est donc développée de façon très différente dans différents pays et régions, et chacun danse de la façon dont il l'a vu dansée par la majorité des danseurs de son pays / de sa région.

Cela dit, si l'on peut comprendre que par ignorance de ces différences, on puisse considérer que la seule façon correcte de danser la Salsa est celle que l'on a appris (que ce soit dans la rue, avec ses frères et sœurs, ou dans une structure d'école) et qui est dansée par les autres danseurs de son pays, en France, par contre, nous n'avons pas cette excuse. Nous avons la chance, ici, d'être en présence de plusieurs styles distincts. Ces différences sont une richesse, et ne devraient, à mon humble avis, pas être source de rivalités et clivages en tous genres. Ce type de comportement va, je pense, totalement à l'opposée de l'esprit festif et bonne enfant que véhicule la Salsa.

Il faut en outre savoir que "cubaine" et "portoricaine" sont des appellations largement réductrices, dont l'usage est limité à la France. En effet, si la jeune génération cubaine danse ce qu'elle appelle le "Casino" d'une façon fort similaire à ce que l'on appelle ici "cubaine", il n'en est rien des danseurs des générations précédentes, et je pense tout particulièrement de ceux de la province d'Oriente, à Cuba, qui dansent souvent d'une façon que l'on qualifierait sans hésiter à Paris de "portoricaine". Quant à la "portoricaine", dans le sens où il est employé dans nos contrées, c'est un terme générique qui regroupe plusieurs styles de danse, dont le Mambo (ou Salsa new-yorkaise), le style de Los Angeles, celui de Porto-Rico, et de façon générale celui dansé par les communautés hispanophones d'Amérique du Nord. Je me rappelle encore de l'air ébahi de Luis Vazquez, mexicain, et de sa femme Joby, dominicaine, lors de leur passage à Paris en 1998, quand ils ont entendu leur style qualifié de "Salsa portoricaine".

Enfin, ce qu'il ne faut jamais oublier, c'est que la danse existait avant que l'on se mette à la décortiquer et à la codifier. La codification, qui a forcément quelque chose d'arbitraire, a un but: celui de transmettre, par le biais de l'enseignement, un savoir. Tout comme le langage que l'on analyse afin d'en tirer des règles de fonctionnement que l'on appelle grammaire, dans le but ultime d'enseigner ce langage à d'autres, la danse existe par elle-même, est une réalité, et tout comme dans la langue, dans la danse l'usage s'impose et finit toujours par prévaloir sur les règles que l'on a fixées à partir de cette dernière. Cela signifie que rien n'est immuable ou incorrect en danse, à partir du moment où l'on arrive a danser ensemble. Et que l'on danse cubain, portoricain ou norvégien, sur le 1, le 2, ou le trois et demi, tant que l'on communique et que l'on s'entend, il n'y a rien à dire. C'est mon avis et je le partage.

Je ne saurais finir ce petit article sans un mot pour la communauté Colombienne de Paris, qui a introduit la Salsa en nos contrées bien avant la "vague latino" actuelle, et que l'on oublie parfois dans ces débats de style. La Salsa colombienne existe bel et bien, autant en musique qu'en danse, et je dirais même qu'elle est largement majoritaire: il suffit de regarder autour de soi dans les grands concerts de Salsa à Paris.

Alors arrêtons donc de classifier et d'étiqueter les uns et les autres, et dansons un peu, que diable !

Jack "El Oso"



Quelques explications ...

Danser "sur le 1" ou "sur le 2": ce technicisme désigne le temps de la mesure musicale sur lequel on change de direction dans son pas de base. En d'autres termes, danser "sur le 1" signifie danser sur le temps, et "sur le 2", danser sur le contretemps. En Mambo (que l'on appelle aussi Salsa new-yorkaise), on danse généralement "sur le 2", donc sur le contretemps. C'est également le cas pour le son cubain. En Salsa cubaine, on danse "sur le 1" ou, plus souvent, "sur le 3". A Los Angeles, "sur le 1"…

Cubaine / Portoricaine : termes génériques employés en France pour désigner deux grandes "familles" dans les différents styles de Salsa. En Salsa "cubaine", la danseuse danse généralement de façon circulaire autour du danseur, en se déplaçant constamment, y compris pendent ses tours. La Salsa cubaine, c'est également la Rueda, où plusieurs couples dansent en formant un cercle et en changeant de partenaires. La Salsa "portoricaine" se danse plutôt en déplacements linéaires; la danseuse fait le plus souvent des tours sur place, avec parfois plusieurs tours de suite; enfin, dans certains styles comme la Salsa new-yorkaise, danseurs et danseuses font énormément de jeux de pieds, que l'on appelle shines.


Cet article est paru sous une forme abrégée dans le numéro d'Avril 2001 du Radio Latina Magazine




21/08/2013

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