Cours de danse Danser la Vie - Toulouse

Cours de danse Danser la Vie - Toulouse

● Le statut de l'erreur

Le statut de l'erreur

rédacteur Philippe Valade (22-02-2009)
Extrait de la thèse professionelle réalisée dans le cadre du Mastère d'Expert en Danses Standards



1. La valeur positive de l’erreur

 

Dans la perspective d’une évaluation formative, l'erreur devient significative non pas seulement d'un manque, mais surtout, par le témoignage d`une connaissance donnée, l`apprentissage étant conçu comme un processus avec un avant et un après. A n’importe quel moment de son apprentissage, l’apprenant témoigne de cet avant dans ce qu'il sait faire. A l`enseignant de trouver les exercices et les procédures pour le faire accéder aux étapes suivantes. Pour l’apprenant, l'erreur est aussi un moyen de découvrir les formes correctes du fonctionnement des danses.

 

Les erreurs de l’apprenant manifestent un système de bases qu’il utilise à un moment donné du programme qu'il suit (répétons ici qu`il utilise un système, même si ce n’est pas encore le bon). Ces erreurs ont une triple signification. D’abord pour l'enseignant : s’il entreprend une analyse systématique, elles lui indiquent où en est arrivé l`apprenant par rapport au but visé, et donc ce qui lui reste à apprendre. Ensuite, elles fournissent au professeur des indications sur la façon dont une danse s’apprend ou s`acquiert, sur les stratégies et les processus utilisés par l’apprenant dans sa découverte progressive de la danse. Enfin, (et c’est là, en un sens, le plus importants) elles sont indispensables à l’apprenant car on peut considérer l'erreur comme un procédé utilisé par l’apprenant pour apprendre. C`est pour lui une façon de vérifier ses hypothèses sur le fonctionnement de la danse qu'il apprend. Faire des erreurs, c'est alors une stratégie qu’emploient les enfants dans leur acquisition comportementale, mais aussi les élèves en danse de couple.

 

Le processus d'apprentissage peut alors être considéré comme l'interaction entre l'exposition, quelle qu'elle soit, et la connaissance de l’apprenant à un moment donné. Or, il n'y a pas identité entre l'exposition fournie à l'apprenant et ce qu'il saisit et assimile : il ne s'approprie pas tout ce à quoi il est exposé, et il ne l'intègre pas forcément de la façon prévue par l'enseignant. En fait, l'apprenant élabore le plus souvent de façon inconsciente, des hypothèses sur le fonctionnement de la danse à partir de l'exposition et de ses présupposés sur les danses en question.

 

Bien entendu, les hypothèses ne débouchent pas forcément sur des "erreurs" pas plus que les "erreurs" ou les "fautes" ne sont toujours la manifestation d'hypothèses. Mais l'apparition d'une "erreur" (de statut a ou b) constitue souvent un moment important dans l'apprentissage, pouvant déclencher l'apport d'information sur l'erreur elle même ou plus largement sur certaines caractéristiques du fonctionnement de la langue cible. Cette interaction, qui permet à l'apprenant de réajuster ses hypothèses, et par là de réviser, modifier et développer sa connaissance antérieure constitue bien un "moment critique" de l'apprentissage et de l'enseignement : le profit qu'en retire l’élève dépend en grande partie du type de traitement choisi parle professeur et de l'adéquation de ce traitement à la démarche des élèves.

 

Mais bien souvent, l'enseignant est perplexe, voire désorienté ou irrité devant des productions erronées dont il ne comprend pas l'origine ni même parfois les raisons et derrière lesquelles il a bien du mal à repérer des hypothèses. Ici apparait l'importance de la prise de conscience par les enseignants de la nature des systèmes intermédiaires (SI) et de leur évolution.

 

 

2. Erreurs et "systèmes intermédiaires"

 

Les productions (erronées ou non) des apprenants reflètent en partie les états successifs de leur connaissance de la danse en question. De telles productions, que l'on peut rencontrer également, pour des raisons comparables, chez des danseurs de bal, sont à considérer comme la manifestation non pas de "la danse native avec des erreurs en plus" mais bien d'un système spécifique, doté d'une cohérence propre qui va se complexifier avec le temps par des apports, des différenciations et des restructurations successives. Les erreurs sont alors à restituer par rapport à cette cohérence et à la progression d'apprentissage.

 

A chaque stade, l'apprenant est en quelque sorte "danseur naturel", au sens de son système intermédiaire (SI). Lorsqu'on lui présente des figures, il est souvent capable de porter des jugements d'acceptabilité en se référant à son propre système. Par ailleurs, il lui arrive, tout comme au danseur confirmé, lorsqu'il danse, de se tromper sur ce qu'il connaît : il est alors en mesure de se corriger lui-même. II s'agit alors non pas d'erreur (en référence à son SI) mais de faute comme en témoignent ses autocorrections, qu'elles soient spontanées ou suscitées par autrui.

 

L'erreur peut alors être définie soit par rapport à la danse, soit par rapport à l'exposition en situation. Mais par rapport au SI de l'apprenant, on ne peut véritablement parler d'erreurs. On voit alors qu'il est impossible de donner de l'erreur une définition absolue. Ici, c'est le point de vue qui définit l'objet. Le décalage est manifeste entre le point de vue de l'enseignant et celui de l'apprenant. Ainsi, si on définit l'erreur comme "une forme refusée par l'enseignant" ; celui-ci se trouve alors dans la situation paradoxale où il refuse une forme souvent inévitable pour l'apprenant et attendrait une forme inaccessible à ce dernier. Mais dans la mesure où, comme l'enseignant, l'apprenant lui-même se réfère implicitement à une visée d'apprentissage (dont le rapprochent progressivement les étapes successives de son apprentissage), le concept pédagogique d'erreur reste nécessairement opératoire, et devient même constructif s'il est relativisé. Ce qui oblige à s'interroger, en se référant aux SI, sur les causes des erreurs.

 

Cela explique en bonne partie que l'analyse contrastive a priori, qui consiste à comparer la danse-source et la danse-cible, en faisant abstraction de la progression d'apprentissage et donc des SI, ait souvent conduit à pronostiquer des erreurs qui ne se produisaient pas et à ne pas prévoir des erreurs qui se produisaient. L'analyse contrastive a posteriori qui consiste à chercher dans l'influence de la danse-cible la cause d'erreurs effectivement observées dans l'apprentissage, peut fournir de meilleurs explications dans la mesure où elle prend en compte les SI, et cherche à analyser les hypothèse, c'est-à-dire les correspondances établies par l'apprenant entre sa danse-source et son SI.

Cependant, nombre d'erreurs ne semblent pas pouvoir s'expliquer par l'interférence de la danse-source, mais par des phénomènes de généralisation analogique, comparable à ceux observés dans

l'acquisition mimétique d’une danse (i.e. au bal). Ces généralisations donnent lieu, selon les cas, à des productions acceptables ou à des erreurs. En effet, les erreurs, mieux que les productions acceptables révèlent les mécanismes et les hypothèses sous-jacents.

 

L'analyse des erreurs a alors pour objectif essentiel non pas d'établir des inventaires typologiques d'erreurs (ni a fortiori des quantifications statistiques des différentes catégories d'erreurs), mais bien de chercher à en élucider les causes.

 

Cette recherche des causes est inséparable de la situation d'apprentissage et de la pratique pédagogique. Comprendre les erreurs, c'est d'abord comprendre comment on apprend. C'est ainsi que l'analyse explicative des erreurs trouve naturellement sa place dans les programmes de formation pédagogique, permettant d'amener les enseignants et futurs enseignants à réfléchir sur la relation entre leur pratique et les processus d'apprentissage

 

Si les erreurs révèlent certains aspects des SI et des processus qui les construisent, elles n'en sont que des manifestations partielles, en quelque sorte l'une des faces émergées de l'iceberg. La connaissance intermédiaire ne se manifeste pas que par des erreurs et leur statut, lorsqu'elles apparaissent, est à apprécier en référence au système sous-jacent, et donc par confrontation avec les "non-erreurs".

 

On entrevoit là les limites d'une stricte analyse d'erreurs et la nécessité d'une approche élargie, l'analyse des productions, où la prise en compte des "non-erreurs" contribue à expliquer la source réelle ou plausible des erreurs en fonction de leur statut relatif à l'intérieur du SI. Une même erreur formelle, observée chez des élèves différents, peut renvoyer à des systèmes individuels différents et nécessiter des analyses différentes.

 

L'analyse des productions (et aussi de l'activité de compréhension) fournit au professeur des informations sur les systèmes individuels. Ainsi, les tentatives de l’élève permettent à l'enseignant :

- d'apporter infirmation ou confirmation sur les hypothèses sous-jacentes;

- de susciter la recherche et l'examen par l’élève d'autres hypothèses;

- d'observer et évaluer la progression d'apprentissage;

- d'orienter son enseignement en conséquence.

 

 

Philippe VALADE

Professeur de danse en couple

Maître de danse (PhME style international)

 

 

 

 


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09/12/2019

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